NOTRE PLUS BEAU NOEL
Vous pourriez penser, à juste raison, que les fêtes religieuses ou païennes ne nous concernent en aucune façon. Nous ne sommes jamais que des petits poissons et qu’aurions-nous à faire de ces festivités autour d’une crêche ou d’un sapin, sinon d’en surprendre les échos et d’apercevoir les lumières des candélabres et des bougies. Et pourtant, depuis que nous avons été adoptés, il y a de cela 6 années, Armelle et Yves n’ont jamais oublié de nous faire participer à ces fêtes familiales et même de déposer sous nos nageoires de charmants cadeaux : une année il y eut une grotte artificielle qui me plaisait beaucoup, une autre le « bulleur » qui est notre jacuzzy, enfin il y eut un soir le plus beau, le plus surprenant, le plus inattendu, le plus stupéfiant, le plus exaltant de tous : un aquarium géant.
Je peux vous confier, à vous mes amis, que la surprise fut totale, bien que nous soyons plutôt malins Globulette et moi, nous n’avons rien vu venir, rien supposé, rien pressenti, rien subodoré, rien imaginé, la stupeur absolue, l’éblouissement, particulièrement pour Globulette qui allait disposer désormais d’un espace autrement plus vaste et plus conforme à sa morphologie.
Le ravissement de Globulette fut indescriptible. Je crois bien qu’elle suffoquait de satisfaction, de joie, de bien-être, de béatitude, en découvrant cet habitat en tous points semblable à ce dont elle rêvait parfois quand un soupçon de blues la prenait…
Mais que je vous explique comment les choses se sont passées. Nous étions depuis 2 ans dans notre aquarium carré devant une fenêtre où j’avais le grand avantage d’apercevoir le ciel et les oiseaux qui volaient et m’entrainaient dans leur sillage, et notre existence était loin d’être désagréable. Nous disposions d’un plaisant petit jardin, d’une grotte où je m’amusais à me cacher pour qu’Yves et Armelle, en ouvrant les volets le matin, se demandent, avec un soupçon d’inquiétude, si je n’avais pas sauté par-dessus bord – j’adore leur causer une frayeur passagère – enfin nous avions à notre disposition le bulleur dont je vous ai parlé et où je perfectionnais mes chorégraphies pour les spectacles de midi et du soir, d’un sable d’or et d’une eau toujours fraîche, puisée chaque semaine à la source. Par conséquent, un confort tout à fait convenable. Il n’en restait pas moins que l’espace était réduit – la crise du logement nous touchait de plein fouet – et que nous n’avions pas de chauffage, si bien que certaines nuits le froid obligeait Globulette et moi à nous réchauffer les nageoires en nous collant l’un contre l’autre. Rien de désobligeant d’ailleurs ! Il m’arrive de regretter ces petits coups de froid d’antan…
Soudain, un soir de Noël, alors que la famille était réunie, Armelle nous a pris dans l’épuisette pour nous transporter à vive allure et nous plonger dans un univers féérique. Oui, nous entrions dans notre nouvelle demeure : un palais des mille et une nuits. Et, sachez que je n’exagère en rien. Alors que je restais sidéré et figé d’étonnement, Globulette, comme sous l’emprise de l’ivresse, se livrait à une véritable sarabande. Elle n’arrêtait pas de tourner, de virevolter, de s’agiter en tous sens, je ne l’avais jamais vue dans un pareil état d’excitation.
J’avoue que ma réaction a été très différente de la sienne. Je me sentais sur le moment un peu dépaysé. Comme je suis beaucoup plus petit que Globulette – ai-je oublié de grandir ? – ce nouvel aquarium m’apparaissait immense, presque démesuré, il fallait que je trouve peu à peu mes repères et cela a demandé quelques jours. Je n’avais plus au-dessus de moi, grâce aux baies vitrées de la fenêtre, le ciel et les oiseaux et, j’ose l’avouer, ils m’ont manqué les premiers temps. Par contre, j’ai de suite apprécié l’éclairage qui doit se rapprocher de celui de la côte d’azur à la belle saison, du somptueux jardin tropical et de la variété de ses essences, de l’espace bien sûr, de la chaleur constante grâce au chauffage inclus dans la boîte technique, qui fait que nous traversons l’été en permanence et que ce Noël reste empreint d’une douce félicité.
NAUTILIUS