QUI SOMMES-NOUS ?
Bonjour les amis,
J’ai un peu paressé, je l’avoue, ces derniers temps, paresse estivale probable, et puis nous avons été très occupés Globulette et moi par les visites qu’ont reçues Armelle et Yves et qui se terminent toujours par une station prolongée devant notre aquarium où je ne manque jamais de donner le spectacle avec mes cabrioles, Globulette se contentant de faire la belle.
Hier, nous avons eu notre changement d’eau de source, 40 litres chaque semaine, et cette opération est toujours très excitante. Désormais, Armelle ne nous retire plus de notre demeure aquatique et procède en nous laissant évoluer à notre guise, ce qui est follement amusant car nous jouons avec ses mains. Plus d’épuisette, plus de passage à l’air libre que nous apprécions modérément et plus de station dans une salle d’attente trop exiguë, surtout pour Globulette - et cela je vous le confie à l’oreille - qui devient assez volumineuse. Quand elle m’agace trop, je lui dis : « Allez, pousses-toi, ma grosse ! », ce qui est vulgaire, je l’admets, mais vivre à deux 24h sur 24 inspire parfois des sautes d’humeur vite oubliées car nous nous aimons beaucoup.
Donc, le changement d’eau est un moment réjouissant qui nous apporte de l’oxygène, de l’eau fraîche, des plantes neuves et quelques gouttes d’un produit qui a pour fonction de lisser nos écailles et de les rendre brillantes, de faire de moi un beau gosse et de Globulette une bomba irrésistible. Ainsi avons-nous un institut de beauté à domicile…Quand tout est terminé, je ne manque jamais de faire le tour du propriétaire afin de vérifier qu’Armelle a bien assemblé les végétaux, remis les rochers à la même place – car je suis un tantinet maniaque – que tout est agencé de belle façon. Car, voyez-vous, si Globulette a toujours tendance, devant une plantation nouvelle, de s’écrier : est-ce que ça se mange ? – je suis plus soucieux de m’assurer que l’ensemble est harmonieux.
Aujourd’hui, j’ai également envie de vous entretenir de mes ancêtres, car les poissons ont un passé comme les hommes, tout aussi ancien d’ailleurs, étant donné que les savants assurent que nous vous avons précédés en ce monde. C’est en Chine que s’est fait connaître la grande famille des poissons rouges, aussi sommes- nous mentionnés à ce titre dans des manuscrits fort anciens. Notre famille a très vite grandi sous la responsabilité des moines qui nous ont adoptés et vénérés comme des envoyés du ciel. Mais oui, ne faites pas des yeux aussi ronds que les nôtres ! A l’époque, il était interdit de nous capturer et surtout de nous manger sous peine de sévères punitions. Au XIIe et au XIIIe siècles, les empereurs nous ont pris en haute estime et logés dans des bassins ou étangs parmi les fleurs de lotus et les nénuphars et rien n’était trop beau pour nous. Nous avions à notre disposition de vrais palais aquatiques taillés dans des matériaux somptueux et étions considérés avec un immense respect. Parallèlement, d’innombrables races ont été créées et nous avons été également recherchés et adoptés par des Japonais et des Coréens. Au XVIIe siècle, les Français ont commencé à s’intéresser à nous et Mme de Pompadour, favorite de votre roi Louis XV, a reçu en cadeau des queues de voile d’un empereur chinois, si bien que la mode était lancée dans l’aristocratie européenne.
Notre essor depuis lors a été important, si bien que nous sommes considérés de nos jours comme l’animal de compagnie le plus apprécié. La raison ne peut être autre que notre discrétion et notre silence dans votre monde de bavards. Les formes voilées comme Globulette et moi sont parmi les plus rares. Eh oui, je le dis en toute modestie. Ainsi moi-même je suis un « queue de voile » avec une queue qui présente une forme retombante et une traine digne d’une robe de mariée. Et Globulette est un télescope avec d’étonnants yeux maquillés de façon très artistique, une nageoire caudale développée et une traine digne de l’impératrice de Chine. Enfin sa couleur d’un blanc nacré est aussi rare que précieuse. C’est en raison de notre noble ascendance que je n’aie pas voulu porter le même nom qu’un vulgaire sous-marin en acier et fait orthographier mon nom en y ajoutant un i.
NAUTILIUS