NOTRE TOUR de FRANCE
L’annonce d’un voyage à travers la France nous avait un peu stupéfié Globulette et moi mais après les expériences que nous venions de vivre en colonie de vacances chez des étrangers, nous étions prêts à tout endurer et puis l’idée de voir du pays, s’il affolait un peu Globulette de nature casanière, n’était pas pour me déplaire. J’avoue que ce fut une sacrée aventure dont je garde un excellent souvenir. A l’époque nous étions encore petits et pouvions être transportés dans ce que l’on a appelé "la caravane de voyage", un bocal rectangulaire d’une quinzaine de litres qu’Armelle avait posé, le temps du transport, à ses pieds. Evidemment nous étions presque dans le noir et assez ballottés, mais nous partions en vacances en famille, ce qui nous émoustillait.
D’autant que c’était l’été, qu’il faisait beau, que le ciel était bleu et que nos arrêts repas étaient un enchantement. Yves garait le véhicule dans un endroit tranquille, Armelle nous sortait de notre trou et nous retrouvions l’air et la lumière avec bonheur. Ce qui nous plaisait, c’est que nous déjeunions sur la table à côté d’eux, que nous avions une intimité plus étroite.
Les étapes ont été diverses mais toujours assez plaisantes. Le seul inconfort était l’eau dont Armelle et Yves avaient emporté des bidons dans le coffre de la voiture mais qui a très vite tournée. Que faire alors ? Eh bien prendre l’eau des sources qui ne manquent pas en France mais qui est toujours glaciale, si bien que nous avons, en plein été, grelotté plus d’une fois, ce qui contrariait énormément Globulette de nature frileuse.
Il y eut aussi quelques rencontres avec des chats qui nous hérissaient les écailles et des routes difficiles à cause des innombrables cassis, ce qui a provoqué chez Globulette, à plusieurs reprises, un irrépressible mal de mer, le comble chez un poisson d’eau douce…
La Provence nous a particulièrement séduits à cause des parfums qui parvenaient jusqu’à nous, la lumière et les petits déjeuners que nous partagions sur la terrasse. Yves et Armelle nous avaient installés sur une commode d’où nous avions une jolie vue et nous dormions auprès d’eux, ce qui ne nous était encore jamais arrivé et rendait plus étroite encore notre intimité. La légèreté de notre caravane de voyage avait pour avantage de leur permettre de nous changer de place à volonté, ce qui, par la suite, ne sera plus possible avec des aquariums de 60 litres, puis 120 litres, et dont le souvenir m’émeut encore.
L’accueil était souvent inattendu de la part des gens des chambres d’hôtes ou des hôtels. Dans l’une des chambres d’hôtes, la dame avait spécifié que les animaux étaient interdits. Alors Armelle, qui n’est pas dépourvue de malice, à la sortie de la voiture, lui annonce : nous avons des animaux. Tête de la bonne femme qui s’attend à voir sortir un chien, un chat, un lapin, un fennec, que sais-je encore, mais certes pas des poissons et éclate de rire à la vue de notre caravane aquatique. Une autre fois, cela se passait dans un bel hôtel à Toulouse. Nous étions attendus comme des VIP parce que le gendre de nos protecteurs en avait été plusieurs années le directeur, si bien que l’accueil était fastueux… Le groom, très stylé, vient à notre devant et Armelle lui dit qu’il y a un aquarium dont ce dernier s’empare aussitôt avec respect et précaution, nous transportant comme il l’aurait fait du Saint Sacrement. Passant devant l’accueil, aussi sérieux qu’un pape, le personnel au complet nous contemple interloqué et s’esclaffe : on avait pratiquement reçu tous les animaux de l’arche de Noé, il nous manquait encore les poissons, voilà un oubli réparé !
Voyez-vous, nous n’avons pas manqué de succès durant ce voyage qui fut une belle expérience. Nous avons eu trop chaud, trop froid, nous avons été secoués comme dans un shaker, privés des plantes fraîches qui composent notre dessert quotidien, seule privation qui m’a exaspéré et a suscité un soir ma mauvaise humeur et une bouderie de plusieurs heures car je reconnais que je suis boudeur, mais cela valait la peine pour mille bonnes raisons et, en priorité, le partage d’une expédition vécue étroitement avec Armelle et Yves. Cela a créé des liens indestructibles. Nous les avons trouvés attentifs à notre égard, veillant à ce que nous ayons le meilleur confort, ils nous ont trouvés formidables, patients, courageux, endurants. De quoi forger une affection à vie.
NAUTILIUS