NOS PREMIERES COLONIES de VACANCES
Il y a au moins une chose certaine, c’est que ni Globulette, ni moi n’oublierons jamais nos premières colonies de vacances. Peut-être vous posez-vous la question de savoir si la raison en est que nous avons été heureux ou le contraire, mais vous allez l’apprendre si vous avez le courage d’aller au bout de cet article.
Il faut d’abord que je vous dise qu’Armelle et Yves aiment les voyages et qu’ils ont considéré que le mieux était de nous mettre en garde chez une de leurs amies dans un premier temps, ensuite chez un vendeur de l’animalerie où nous avions été adoptés, dans un second. Le résultat ne fut pas vraiment, et vous allez le découvrir au fur et à mesure de mon récit… celui qu’ils escomptaient. A l’époque, nous ne comprenions pas encore très bien leur langage, il nous a fallu du temps pour nous adapter à votre langue humaine qui n’est pas celle des ondes comme la nôtre, et je ne me souviens plus de ce qu’ils nous disaient pour tenter de justifier leur départ et notre séparation prochaine. Je me rappelle seulement que ce jour-là il faisait très beau. Depuis notre aquarium, placé non loin d’une fenêtre, nous voyions voler les oiseaux et une belle lumière s’étendre au-dessus de nous. Nous étions très heureux. Nous mangions bien désormais, nous avions une eau toujours fraîche et limpide, quelques plantes, enfin le bonheur était dans l’aquarium en permanence. Et puis, voilà qu’avec l’épuisette, nous avons été soudainement happés pour nous retrouver dans le bocal du début, celui où nous étions à l’étroit et condamnés à tourner en rond. Bien sûr Armelle et Yves tentaient de nous rassurer en nous parlant doucement, mais j’avais un mauvais pressentiment, Globulette aussi, et nous n’avions pas tort, car bientôt nous avons atterri dans un lieu qui nous était inconnu et auprès d’une personne à la voix nasillarde qui ne nous disait rien qui vaille.
Globulette s’est plus vite adaptée que moi car elle a une heureuse nature et a tant souffert de la faim que, ma fois, elle s’est endurcie et ce n’est pas une épreuve de ce genre qui va perturber sa bonne humeur ; mais moi, loin d’Yves et d’Armelle je suis complètement paumé. Certes ce ne fut pas une très longue séparation, d’après mes calculs peut-être 5 ou 6 jours, bien qu’ils m’aient paru éternels, car la pauvre amie avait la mémoire courte et complétement oublié les recommandations qui lui avaient été faites avec précision par Armelle. Si bien que quelques jours plus tard, nous nagions dans un magma de nourriture et une odeur infecte qui nous soulevaient le cœur. Cette nunuche, n’ayant aucun sens de la mesure, versait à chaque repas une tonne de paillettes, de quoi nourrir deux fois un aquarium géant et quelques 100 poissons, si bien que l’on ne voyait pratiquement plus clair et évoluions dans une eau grasse et saumâtre à faire rendre l’âme au plus résistant d’entre nous.
Lorsqu’Armelle et Yves sont revenus de leur escapade, nous étions au bord de l’asphyxie, tentant d’aspirer un semblant d’air à la surface. J’ai vu la tête d’Armelle, elle était épouvantée, et nous n’avons pas été long à rejoindre nos pénates et à nous retrouver enfin dans une eau pure et transparente. Mais le mal était fait, nous étions malades comme des bêtes, c’est le cas de le dire. Nous avions la nausée et des vertiges, au point que je pensais que nous allions passer l’arme à gauche. Nous sommes restés dans cet état plusieurs jours, incapables d’avaler quoi que ce soit et anéantis comme des épaves. Yves et Armelle ne cessaient de venir nous voir jour et nuit, de nous parler, de nous encourager. Je crois que leur affectueuse vigilance a été notre meilleur remède.
La fois suivante, pour un voyage plus long, ils ont jugé prudent de nous confier à un vendeur de l’animalerie. Un garçon autrement plus compétent en aquariophilie que la pauvre copine et c’est vrai que nous avons eu nourriture et eau fraîche dans les règles de l’art. Seulement l’absence fut très longue, au moins une quinzaine de jours, et notre aquarium avait été posé par terre, loin de toute source de lumière. C’était lugubre, je m’ennuyais à mourir, j’avais le sentiment d’avoir été abandonné, même ma Globulette ne parvenait pas à me remonter le moral. Et puis un jour, le miracle est survenu : subitement j’ai entendu la voix d’Armelle, j’ai été saisi de bonheur, m’immobilisant d’un coup comme frappé par la foudre…celle de la joie bien sûr, et nous sommes rentrés à la maison, avons retrouvé nos bonnes habitudes, vouant aux gémonies les voyages d’Armelle et Yves.
NAUTILIUS